Ris-Orangis inaugure sa nouvelle épicerie solidaire
“Fraternel parce qu’on me le dit souvent « Ah ! Vous êtes catho ? », ce n’est pas le problème parce que les francs-maçons aussi s’appellent frère, les musulmans s’appellent frère donc fraternel c’est la vie ensemble parce qu’on est tous frères, humains”
Le mercredi 15 mai, à Ris-Orangis, fut inaugurée l’épicerie solidaire du Secours Fraternel. C’est une association qui a pour but d’accompagner les individus dans le besoin en leur assurant, entre autre, une sécurité alimentaire. Latitude91 s’est rendue sur place et a interrogé le trésorier de l’association, Philippe Naszalyi.
Latitude91 : Pouvez-vous nous présenter votre association, sa structure et ses objectifs ?
PN : Dans un premier temps je tiens à préciser le fait que je suis le trésorier de l’association et non pas le président. Le Secours Fraternel c’est une association laïque qui accueille tous ceux qui ont besoin et qui nous sont adressé par les services sociaux afin de pouvoir satisfaire leurs besoins primaires c’est-à-dire le besoin d’alimentation. On a donc créé une épicerie solidaire qui se trouve ici à Ris-Orangis et qui accueille environ en moyenne 50 familles par jours, 6 jours par semaine, du lundi au samedi matin. Ça c’est le premier point. Nous sommes en train de développer maintenant, un espace qui je l’espère deviendra un espace de vie sociale lorsque nous aurons été agréés par la CAF et financés par la caisse d’allocation familiale de sorte que nous puissions, enfin nous le faisons déjà mais nous souhaiterions l’amplifier, donner à ces bénéficiaires, à « nos clients » en quelque sorte, un service supplémentaire : l’accès au droit, nous avons déjà un point relais CAF qui leur permet de mettre à jour leurs informations à la caisse d’allocation familiale. Nous avons un accès au point des réclamations santé et en même temps qui permettra de donner des cours d’alphabétisation pour un certain nombre, des cours de français, des cours évidemment de cuisine puisque nous nous apercevons que la cuisine des légumes n’est pas très connue et qu’un certain nombre de légumes ne sont pas connus. Je prenais ce matin l’exemple des asperges, nous en avons beaucoup et sa préparation reste méconnue par les personnes qui n’en ont pas les moyens alors que nous en vendons ici à 30 centimes les 500 grammes c’est quand même particulièrement bas et c’est dommage de voir gâché ce menu. Nous voulons grâce à ces partenariats apprendre aux gens à se servir, à cuisiner, chez eux et ainsi à améliorer leur alimentation et ne pas se contenter simplement des boîtes de conserves mais aussi des produits frais pour permettre aux enfants également de manger autrement et différemment.
Latitude91 : D’où vous aie venu cette idée d’épicerie solidaire et non pas sociale comme on a l’habitude d’en voir ?
PN : Pour être très franc je m’intéressais plutôt à la santé, et donc cette idée que la santé passe aussi par l’alimentation était quelque chose qui avait traversé les éléments de nos réflexions que nous avions lorsque nous avions organisé les assises départementales de la santé avec l’agence régionale de la santé et le conseil général ou le conseil départemental. Et donc nous nous étions interrogés sur la santé des jeunes en particulier les petits déjeuners qui a l’air de préoccuper le gouvernement maintenant mais ça fait quand même une bonne dizaine d’année que tout le monde le savait avant lui. Et donc nous commencions à travailler là-dessus et en particulier, puisque j’ai été professeur des universités, mon idée était qu’il y avait beaucoup d’étudiants et je le voyais bien avec mes étudiants qui ne mangeaient pas comme il faut et il faudrait donc trouver un système qui puisse permettre aux personnes en difficulté de se nourrir, nous paraissait évident d’abord comme un élément de prévention de la santé avant même d’être un élément de qualité de vie. A partir de là, grâce à une relation, nous avons eu l’idée de répondre à un appel à projet qui était celui de la ville de Viry-Châtillon où nous nous sommes installés la dernière fois jusqu’il y a peu près un an et demi maintenant, où nous avons émigrés vers Ris-Orangis pour créer un espace où nous sommes une vraie épicerie et on reçoit des gens dans les conditions même d’une épicerie pour qu’il puisse retrouver leur dignité d’acheteurs.
Latitude 91 : Y a-t-il une espèce de règle d’or que vous vous efforcez de respecter pour le bien être des personnes qui pourraient se présenter ici ?
PN : Alors la règle d’or c’est qu’on ne vend pas de produits périmés. S’ils sont du jour même on les donne et on ne vend pas de produits périmés, j’entends « périmés » au sens de « produits frais périmés ». Je ne me fixe pas en revanche avec les imbéciles dates limites de vente qui sont des attrape-nigaud mis par la grande distribution pour essayer de vendre un peu plus à des gens. Ça c’est la première règle, la deuxième règle c’est la solidarité c’est-à-dire que si l’on paye et on participe aussi à l’approvisionnement de tout l’ensemble. Donc la deuxième règle épicerie solidaire, on n’est pas sociale ça parait paradoxale. Solidaire c’est qu’on est tous à égalité en train de travailler pour l’amélioration ou pour le travail que l’on a à faire et non pas en recevant d’une quelconque fonctionnaire « vous avez le droit à ci…. Vous avez le droit à ça… », moi il n’en est pas question. Vous avez tous les droits parce que vous êtes des citoyens. A partir de là, nous essayons de vous rétablir dans votre dignité. Ce n’est pas parce que vous avez des difficultés passagères ou durables que vous perdez des droits qui sont ceux d’être un consommateur comme un autre puisqu’on est dans une société de consommation il paraît évident qu’on ne puisse pas limiter la consommation.
Latitude91 : Le nom de cette association finalement, « le secours fraternel » est-il un synonyme de vivre ensemble ?
PN : Fraternel parce qu’on me le dit souvent « Ah ! Vous êtes catho ? », ce n’est pas le problème parce que les francs-maçons aussi s’appellent frère, les musulmans s’appellent frère donc fraternel c’est la vie ensemble parce qu’on est tous frères, humains en tout cas, vous connaissez la poésie de Villon : on est des frères humains et en humanité et donc par le fait même on est ensemble et on doit vivre ensemble ce qui me paraît être la moindre des choses. Il n’y a pas besoin de parler du vivre ensemble ça c’est encore un discours des politiciens qui n’ont pas tout bien compris mais tout simplement on est des frères, on vit tous ensemble.
Latitude91 : Après cette inauguration, avez-vous d’autres objectifs en tête pour cette épicerie ?
PN : Alors pour l’épicerie en tant que tel pas vraiment, on vient d’acquérir aujourd’hui une vitrine supplémentaire donc ça nous permettra d’augmenter le nombre de produits frais qu’on va offrir à la dégustation des gens. L’objectif c’est surtout tout l’aspect complémentaire que j’ai décrit tout à l’heure, c’est-à-dire de l’espace qui vise à apporter après l’épicerie, la cuisine ensemble et les repas ensemble ce qui permet effectivement de renforcer la fraternité mais en même temps qui permet aussi d’instruire, car il ne peut pas y avoir simplement une distribution alimentaire, si l’on s’arrête à cela on ne permet jamais à la personne de s’émanciper et la vocation qu’on a c’est d’émanciper.
Latitude91 : Pensez-vous que cette épicerie et son ascension peuvent faire changer les mentalités ?
PN : Oui c’est orgueilleux mais oui je pense que l’on peut faire changer les mentalités, alors on peut les faire en faisant de grands discours à la télévision, je pense que c’est plus efficace en essayant d’œuvre comme une petite fourmi dans l’endroit où on est pour que cela puisse avancer autour de soi. Saint Vincent de Paul recueillait les enfants avec son grand manteau aux portes des Eglises, les enfants abandonnés. Il était d’abord quelqu’un qui recueillait des enfants parce que la première chose qu’on nous demande c’est d’aider les gens qui sont à côté de nous, pas d’aller aider forcément ce qui sont très loin par de grandes paroles.
Jéhanne CARDOU
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